En l’honneur des Higgins Boat |
INSOLITE, une barge de débarquement américaine dans les eaux du port Rouen? Ce serait oublier un peu vite que c’est bien en Normandie qu’a eu lieu il n’y pas si longtemps la plus grande opération amphibie de tous les temps!... Et c’est notamment grâce au L.C.V.P. que l’un des faits historiques marquants du 20ème siècle a pu être mené à bien. |
Challenge LCVP - Higgins Boat | Hugues Eliard, président de l'association |
Devoir de mémoire
Pour Hugues Eliard, fils d’officier de marine et passionné d’histoire maritime, tout commence le jour de Noël 1996, au hasard d’une randonnée en Bretagne. C’est là qu’il découvre par hasard ce qui va devenir en l’espace de quelques minutes le projet d’une vie. Rien moins qu’un authentique L.C.V.P., initiales de Landing Craft Vehicle Personnel, l’une de ces célèbres petites barges d’assaut américaines utilisées par milliers en Normandie le 06 juin 1944, envasée depuis plus de 20 ans au beau milieu de la Laïta. Un bateau de légende aujourd’hui quasiment disparu, malgré plus de 20.000 exemplaires construits dans ses différentes versions! Commence alors un méticuleux travail d’identification du propriétaire de l’embarcation, mené comme une véritable enquête policière… Pour finalement découvrir quelques mois plus tard qu’il n’était autre que le commandant Pierre Guillaume, plus connu de tous sous le nom de Crabe Tambour, immortalisé par le célèbre film de l’écrivain cinéaste Pierre Schoendoerffer. Après un incroyable renflouage réalisé seul avec des moyens dérisoires, nullement affecté par les innombrables railleries alors qu’il dévoile son audacieux projet, celui-ci prend pourtant forme : c’est toujours seul mais animé par une véritable passion qu’Hugues Eliard se lance dans ce qui deviendra au fil des ans une incroyable aventure, qui verra en 2001 la création de l’association "CHALLENGE L.C.V.P. - Higgins Boat" basée sur le bénévolat qu’il fonde afin d’asseoir le projet réunissant à ce jour une soixantaine de membres, rassemblés autour d’une indestructible équipe de passionnés que rien n’arrête. Objectif avoué: remettre en navigation en France au moins un exemplaire des célèbres barges dont tout le monde a entendu parler mais que finalement personne ne connaît. En hommage à son génial concepteur Andrew Jackson Higgins, le général Dwight D. Eisenhower en personne en parlera même plus tard comme du « …bateau qui permit aux alliés de gagner la guerre!». Pleinement soutenu dans sa démarche depuis plusieurs années par le Grand Port Maritime de Rouen où la barge est désormais stationnée, diverses entreprises rejoignent à leur tour le projet à la fois technique, historique et culturel, dans le plus pur respect de l’indéfectible devoir de mémoire ; aux Etats-Unis, c’est la Cantigny First Division Foundation - perpétuant le souvenir de la prestigieuse "Big Red One" - qui décide d’apporter sa contribution. En mai 2008, après des milliers d’heures de travail acharné, c’est enfin la remise à l’eau en grande pompe de la barge PA30-4! Quelques semaines plus tard, c’est à la célèbre ARMADA de Rouen qu’elle fera une participation très remarquée, où malgré sa petite taille, elle fut sans conteste l’une des attractions de cette édition. C’est par centaines de milliers que les visiteurs enthousiasmés ont pu découvrir la célèbre barge, preuve s’il en est que le spectacle n’était pas uniquement assuré par les prestigieux voiliers. Curieusement, les deux plus petits bateaux présents à Rouen étaient en effet les seuls à avoir un lien direct avec la Normandie : un dreknor viking - pour l’envahir vers l’an 800 et le Higgins boat PA30-4 pour la libérer… quelques 11 siècles plus tard! Avec le PA30-4, l’association peut aujourd’hui se targuer de posséder un véritable joyau : selon toute vraisemblance le seul exemplaire de ce type en Europe entièrement restauré et désormais certifié en navigation. Opération "Objectif Omaha! " Nul n’était besoin d’être prophète pour prédire un véritable succès au PA30-4 dès que fut officialisée sa présence aux cérémonies marquant le 65ème anniversaire du Débarquement en Normandie. Mission accomplie avec l’opération "Objectif Omaha! " organisée l’an dernier, où la barge d’assaut fit là aussi une présence plus que remarquée, avec au final près de 260 miles parcourus en navigation pure et dure. Dimanche 31 mai 2009 : c’est aux premières lueurs de l’aube que le Higgins boat a largué les amarres à Rouen, en route pour sa descente de la Seine par voie fluviale puis maritime, ralliant après diverses escales les célèbres sites historiques du Jour J. Durant son périple, nombreux sont ceux qui ont pu la découvrir dans son environnement historique retrouvé, à l’approche des célèbres plages d’Omaha, Gold, Juno ou Sword. « A une époque où la notion même de respect est trop souvent bafouée, ce projet représente notre toute modeste contribution à l’indéfectible devoir de mémoire, nous attachant par là même à manifester notre reconnaissance sans faille envers ces milliers de jeunes combattants venus libérer notre pays au prix du sacrifice suprême ».Un évènement minutieusement mis sur pied par l’association, soutenu par de nombreux partenaires : l’ambassade des Etats-Unis à Paris, le Grand Port Maritime de Rouen, le Comité du Débarquement, mais aussi Total A.C.S., Allmer, le Syndicat des Pilotes de la Seine, la Gendarmerie fluviale et maritime, la S.N.S.M. Tous sans exception ont parfaitement perçu le caractère résolument exceptionnel de l’évènement mettant en avant cet exemplaire emblématique de l’embarcation ayant marqué à jamais le Jour J. Soixante-cinq ans jour pour jour après le Jour J, le PA30-4 fait enfin face à la célèbre plage d’Omaha ‘’la Sanglante’’, sur laquelle près de 3.000 soldats américains trouvèrent la mort en ce seul 06 Juin 1944. A 14h30, tout est en place pour la cérémonie officielle au cimetière militaire de St Laurent/Colleville - désormais terre américaine à vie - à laquelle participait de nombreux chefs d’états et de gouvernements entourés de plusieurs milliers d’invités privilégiés. Hormis les bâtiments de la Marine Nationale présents pour l’occasion, le PA30-4 - seul bateau autorisé à naviguer ce jour là sur la zone - fait alors face au belvédère dominant la plage, à quelques dizaines de mètres seulement d’un rivage aujourd’hui si paisible. «Durant les deux heures et demie de la cérémonie, bercés par une belle brise de nord-est et sous un soleil généreux, nous sommes six à bord du PA30-4 avec Olivier, Xavier, Pierre et Vincent et Jean-Pierre, les quarante huit étoiles de son pavillon flottant fièrement au vent. A bord, on ne se parle pas, tant l’émotion est intense, ressentant tous l’immense privilège et l’honneur d’être présents ici en pareille occasion » se souvient Hugues Eliard. Et de se remémorer: «Contemplée depuis la mer, la cérémonie prend à l’évidence une toute autre dimension. Le site est désormais impressionnant de silence, reposant, majestueux, avant que ne retentisse une saisissante salve d’honneur à la mémoire des disparus. Tout autour de nous, sur l’eau, dans l’eau, devant nous, derrière nous, tous sans exception ressentons cependant intensément la présence à nos côtés des fantômes de tous ceux tombés là exactement soixante cinq ans plus tôt jour pour jour. Ils sont bien là - fantassins mais aussi marins - présents avec nous et c’est à eux que nous pensons à cet instant précis. C’est l’essence même d’un projet qui ne représente pourtant que notre bien modeste contribution à l’indéfectible devoir de mémoire auquel nous sommes tous tant attachés et qui nous motive ».
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